Quand les recruteurs recherchent le mouton à cinq pattes…
Ce matin en parcourant les annonces sur le site de Pôle Emploi, je suis tombé sur une offre des plus déconcertantes. En effet, celle-ci était titrée : « Laveur de voitures – Community Manager ». Ma première idée a été de me dire que c’était une (mauvaise) blague, dans le style des publicités pour une banque commerciale (dont je ne citerai pas le nom) et son fameux « cosmonaute-jardinier » …
Pourtant, en y regardant de plus près (oui je suis curieux, ou maso, je ne sais pas, je vous rappelle que j’ai été voir Solo au cinéma !) c’est une annonce tout ce qu’il y a de plus sérieuse. Une entreprise basée à Aubière (près de Clermont-Ferrand et de ses pneus) spécialisée dans le lavage automobile est bel et bien à la recherche d’une personne capable à la fois de faire briller les voitures des clients et de s’occuper de la communication de l’entreprise sur les réseaux sociaux. Il n’est toutefois pas précisé si le candidat doit également savoir faire le café et les photocopies… Bon là je sais ce que vous vous dites : « on s’en fiche, ce n’est qu’une entreprise au fin fond de l’Auvergne ! » Personnellement, je vous trouve bien méprisants avec nos amis auvergnats. Certes ils vivent du mauvais côté de la Loire et ils ont élu Vauquiez (prononcez « Veau-qui-aise ») mais est-il vraiment indispensable de les blâmer pour ça ? Sans doute, je ne sais pas… Pourtant, même si vous pouvez penser que l’exemple que je prends est un peu éloigné de vos préoccupations, car il ne concerne qu’une entreprise « perdue au fin fond de la France », je le trouve symptomatique. Bien sûr, il est un peu extrême, toutes les entreprises ne vous demandent pas de faire un grand écart digne de Jean-Claude Van Damme… Encore heureux remarquez !
Le community manager ou le « couteau suisse » humain…
Pourtant, vous conviendrez sans doute que pour de (trop ?) nombreuses entreprises, le maître-mot du community management c’est la polyvalence. Remarquez à titre personnel, ça m’arrange puisque j’aime avoir des missions variées, mais il ne faut tout de même pas exagérer ! Oui un CM doit savoir utiliser de nombreux logiciels pour créer du contenu et de posts percutants, mais pourquoi lui demander de savoir tout faire ? L’autre jour, j’étais à un entretien dans une entreprise qui souhaite développer sa notoriété, notamment à l’aide des réseaux sociaux. Jusqu’ici rien de plus banal… Toutefois, au fil de l’échange, je me rends compte que le chef d’entreprise ne cherche pas un CM, encore moins un CM « junior », mais bel et bien un « super-chargé de communication ». En effet, il voulait recruter une personne capable de faire le boulot d’un CM, mais aussi de former les équipes de ventes au Social Selling, de faire du graphisme pour des campagnes de publicité « print » et également d’organiser des évènements. Je n’ai pas osé lui demander si je devais aussi savoir réparer la photocopieuse, faire le café et jouer de l’accordéon. Ce que je peux être distrait parfois… Tout cela pour dire qu’en 2018, alors que près de 2,2 milliards de personnes sont sur Facebook et que ce réseau social accueille 40 millions de visiteurs uniques chaque mois en France (chiffres de LK Conseil), de nombreuses entreprises voient le CM comme une personne à tout faire, experte dans tous les domaines. Je ne voudrais pas révéler de secrets ou briser des rêves, mais cette personne n’existe pas…
… qui passe son temps à s’amuser !
« Vous payer pour passer votre temps sur les réseaux sociaux, vous n’y pensez pas ? » « Enfin, soyons sérieux, aucune entreprise n’embauchera quelqu’un pour s’occuper d’une page Facebook ! » Vous n’avez jamais entendu ce genre de phrase ? Alors vous avez bien de la chance, mais croyez-le ou non, j’ai bien peur que vous ne soyez que peu nombreux dans ce cas… En effet nombreux sont ceux qui restent persuadés que réseau social rime forcément avec rigolade et donc, que le community management est plus un hobby qu’un véritable job. Je caricature à peine… Et c’est bien là le problème ! À quelques exceptions près, les entreprises ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, le rôle stratégique de la communication sur les media sociaux. Dans le cas de cette entreprise de lavage, si l’on veut être optimiste, on peut souligner la volonté de recruter une personne susceptible d’apporter une expertise des outils digitaux. L’entreprise a donc compris (mieux vaut tard que jamais…) qu’il pouvait être intéressant pour elle de fédérer une communauté de clients et de prospects afin de faire connaître sa marque. Mais pourquoi alors ne pas embaucher une personne dédiée à cette mission, et rechercher le fameux « mouton à 5 pattes » ? Sans doute parce que cette entreprise, qui je le répète n’est pas la seule, estime qu’être sur Facebook est important pour faire comme tout le monde, mais que n’importe qui peut le faire en plus d’autres taches.
Cette histoire montre bien que même si des progrès ont été faits, ce qui est plutôt encourageant, la route est encore longue pour faire comprendre à chacun que communiquer efficacement sur les réseaux sociaux demande du temps, du savoir-faire, si ce n’est du talent et que community manager est un métier à part entière.