Affaire « Cambridge Analytica » : la face cachée de Facebook
2 milliards d’utilisateurs après un peu plus de 10 ans d’existence, l’histoire de Facebook semblait idyllique. Je dis semblait, car depuis le 16 mars et les révélations de l’affaire « Cambridge Analytica », le bateau tangue et certains le voit même couler !
Cambridge Analytica, c’est quoi ?
Depuis près d’un mois, on entend beaucoup parler de cette société britannique sans tellement comprendre ce qu’elle fait et surtout quel est le lien avec la firme dirigée par le sémillant Mark Zuckerberg. Les activités de cette société fondée en 2013 sont essentiellement le « minage » et l’utilisation de données issues de ce que l’on appelle le « big data » dans le but de fournir des conseils en communication. En clair, le but de Cambridge Analytica est de récupérer un nombre extravagant de données afin de modifier nos comportements en mélangeant le traitement quantitatif de données, la psychométrie et la psychologie comportementale. Christopher Wylie, qui a conçu une partie de la technologie de l’entreprise, présente d’ailleurs Cambridge Analytica comme « la machine à retourner le cerveau ». Un mélange détonant qui présente un intérêt certain, que ce soit pour inciter à acheter un produit plutôt qu’un autre, ou, je ne sais pas, faire choisir un candidat (y compris si celui-ci a la peau orange et porte un animal mort en guise de cheveux) à une élection plutôt que son adversaire ! C’est d’ailleurs bien ce qu’on lui reproche… En effet, la société londonienne appartient à Bob Mercer, très connu à Wall Street pour avoir été l’un des pionniers du trading algorithmique, mais surtout pour être l’un des plus gros donateurs du parti républicain. Mieux encore, Cambridge Analytica compte parmi ses fondateurs un certain Steve Bannon, que les militants d’extrême-droite du monde entier connaisse bien et qui a été, entre autres méfaits, l’éminence grise du « candidat orange ». De là à voir une collusion entre cette entreprise et le regrettable Président des USA, il n’y a qu’un pas…
Vous allez me dire : t’es bien gentil, mais quel rapport avec Facebook ? J’allais y venir, ne soyez pas si impatient voyons… Certains médias anglo-saxons (le Guardian, The Observer et le New York Times) ont mené une enquête conjointe sur Cambridge Analytica et ont constaté avec stupeur que cette firme de l’ombre avait utilisé les données de 30 millions à 70 millions d’utilisateurs de Facebook, sans leur consentement, bien entendu. Pour se faire, la société britannique a mis en place un quiz, développé par un universitaire anglais, Aleksandr Kogan, présenté comme un simple exercice académique, alors que celui-ci absorbait les données non seulement des participants, mais aussi de leurs « amis » Facebook. Vous le voyez le problème ? Bon bien entendu, Cambridge Analytica ne s’arrête pas là puisque, selon la chaîne britannique Channel 4 qui a révélé dans un reportage en caméra cachée que les pratiques de cette société s’étendent à la diffusion volontaire de fausses informations (les fameuses « Fake News »), à l’espionnage d’adversaires politiques, au recours à des prostituées et à la corruption pour manipuler l’opinion publique à l’étranger.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase ?
Autant vous dire qu’un nombre aussi important de comptes dont les données ont été récupérées sans consentement, ça ne pouvait pas passer inaperçu. D’ailleurs, le cours de bourse de la firme de Palo Alto a largement dévissé ! Dans la semaine qui a suivie l’éclatement de l’affaire, l’action Facebook a affiché une chute de près de 12%, ce qui fait près de 60 milliards de dollars qui sont partis en fumée. Il faut dire que l’essentiel du « business model » de Facebook repose sur les données qu’il collecte et surtout sur leur protection. Si n’importe quelle société peut récupérer librement les données des utilisateurs du réseau social, pourquoi continuerait-elle à payer des sommes folles pour faire de la publicité ciblée ? En outre, passées ces considérations bassement mercantiles, cette histoire pose une réelle question éthique à laquelle Mark Zuckerberg, malgré son mea culpa, n’a pas répondu. En effet, si je schématise un peu, il nous dit qu’il est désolé et qu’il est choqué que cela ait pu arriver. On le serait à moins… Il va même jusqu’à affirmer que « le lien de confiance est brisé entre Facebook et les personnes qui partagent leurs données avec nous et espèrent que nous les protégeons ». C’est un beau discours certes, mais ça ne résout rien. Mon ami Mark (oui on a le même âge donc je l’appelle par son prénom…) ne nous dit pas comment de telles choses ont pu se produire et surtout, ce qu’il compte faire pour que jamais plus les données des utilisateurs de Facebook ne soient utilisées sans leur consentement.
Fuyez pauvres fous !
C’est ce que de nombreuses personnalités (y compris des membres fondateurs de Facebook) et internautes clament depuis près d’un mois. Alors, est-ce la fin du plus populaire des réseaux sociaux ? Je ne le pense pas… Oui cette affaire va laisser des traces, oui ce n’est probablement pas la dernière « fuite de données », oui de nombreux internautes vont sans doute se détourner de Facebook, mais avec 2 milliards d’utilisateurs dans le monde et un environnement applicatif bien construit (avec notamment Instagram et What’s App), Facebook est et restera numéro un ! Fuir le réseau social créé par Mark Zuckerberg n’est pas la solution, même s’il me semble normal de lui demander ce qu’il fait de nos données. À mon sens, chaque internaute est responsable des données qu’il donne librement aux différents sites qu’il consulte et c’est à chacun d’entre nous d’être vigilant pour ne pas laisser nos informations personnelles circuler sans notre consentement.